Ce 17 mars à 19h30, il nous reste une chance de voir Pretty Yende incarner Manon de Massenet : l’Opéra de Paris retransmet cet opéra depuis son site internet.
Nous l’avons rencontrée dans un café parisien, avant qu’elle ne parte se balader et que l’on aille à un concert… Un temps qui semble si loin. Pretty Yende avait préparé depuis des mois le rôle-titre dans Manon. L’Opéra de Massenet s’annonçait à l’affiche de l’Opéra de Paris… qui a fermé ses portes très vite après la première. Le 10 mars, l’institution lyrique a capté une dernière représentation à huit clos…
Il faut lui faire répéter : « comptable » ? Le métier pour lequel Pretty Yende se préparait dans les années 2000 à l’Université du Cap, en l’Afrique du Sud, le pays qui l’a vu naître. Comptable… si elle n’était pas devenue la nouvelle diva sur laquelle tous les projecteurs sont braqués. « Mais le pouvoir de la musique était fort », se souvient Pretty. L’enfant qui chantait des hymnes dans la paroisse familiale avait eu le coup de foudre pour le chant lyrique en entendant L’air des fleurs dans une publicité. « Ce son m’a paru totalement surnaturel, très puissant, presque extra-terrestre ! J’ai demandé à apprendre cette technique-là ! »
Le reste est un success story sans faille. Des études de chant à l’Académie pour jeunes artistes de la Scala de Milan, un prix en 2011 au Concours Operalia Placido Domingo, une prestation dans Carmen (elle joue Micaëla) et son nom sur les affiches des grandes institutions comme le Metropolitan Opera de New York, le Grand Théâtre de Genève, l’Opéra de Paris… « Oh oui je suis bénie ! Si on considère d’où je viens, il est difficile d’imaginer un tel parcours ! J’ai eu cette chance d’avoir le talent pour réaliser mon rêve. Je veux être un exemple pour beaucoup de filles qui ont un rêve. Mes parents m’ont donné une grande confiance en moi et mon père me disait de ne jamais renoncer à quelque chose si je sentais qu’au fond de moi ce quelque chose était juste. Mon âme se nourrit à travers la musique. »
La vie de diva
Pretty Yende raconte avec franchise la vie de diva à laquelle elle a « appris à s’habituer » : les sacrifices, les doutes sur l’interprétation d’une phrase, l’éloignement familial, les prises de rôle, le trac avant de monter sur scène, les premières notes qui le font disparaître, la paire de chaussures inadéquates qui met en danger la prestation, les standing ovations de milliers de personnes suivies de longues journées de solitude, les compliments aussi vifs que les critiques… La foi chrétienne l’a aidée dans cette vie : « Elle me fait tenir debout. Je me dis que je ne suis pas responsable de tout, qu’il y a quelque chose de plus fort que tout dans ce monde, ça me libère. »
Sa voix souple et suave est aussi captivante que sa présence sur scène. Son sourire ravageur, ses grands yeux lumineux et doux, sa ligne séduisante font, qu’avant même de chanter, on tombe amoureux de sa Violetta (La Traviata), de sa Manon ou de son Adina (L’Élixir d’amour). « Parfois il faut sacrifier le personnage pour la voix mais si je dois choisir entre performance vocale ou théâtrale, ce sera toujours le théâtre que je choisirai. Ce n’est pas parfait vocalement ? C’est aussi la beauté de l’art lyrique : cette vulnérabilité touche le public. Nous ne sommes que des humains dans un monde imparfait. L’artiste doit avoir le courage d’être authentique. »
Manon, une femme libre
Pretty Yende porte un regard très contemporain sur cette Manon de Massenet. « Elle m’a surprise. Je la croyais une grande romantique à cause de la musique de Massenet. En fait, Manon est une ambitieuse, qui veut l’amour fou ET une vie confortable. C’est la première héroïne que je chante qui n’est forcée pas de faire quelque chose : se marier, fuir, renoncer, etc. Finalement, elle est le ténor : un homme libre (rires) ! Finalement elle fait du mal mais sans intention de le faire. «
Et la suite, Pretty ? Que peut-on espérer de l’avenir quand on a déjà réalisé son rêve ? « C’est étrange, c’est vrai : ce qui est un aboutissement pour d’autres n’est que le début pour moi. Avant je me disais est-ce que tout cela en vaut la peine ? Est-ce que je peux le faire? J’étais pleine de doutes … Je ne serais pas une fille sinon (rires) ! Je peux à présent profiter de mon rêve devenu réalité. Et je me dis : « ne demande pas pourquoi, dis simplement merci ».